Résidence
Artiste en compagnonnage - Adrien Tinchi
Date de début :
01 juin 2024
Date de fin :
31 décembre 2024
Résumé

Suite à l'appel à candidature lancée par le Capc proposant à un artiste bordelais d'être accueilli pendant six mois au sein du musée, le jury a choisi l’artiste Adrien Tinchi. Né en 1997 à Sedan, il vit et travaille à Bordeaux depuis trois ans.

Portrait d'Adrien Tinchi. Photo Kira Gyngazova
Portrait d'Adrien Tinchi. Photo Kira Gyngazova

Diplômé de l'École Supérieure d'Art et de Design de Reims en 2020, il a cofondé l’artist-run-space The Left Place-The Right Space. Lauréat de la bourse RFPU (Physique de l’Univers) en 2021, il a également bénéficié d’une résidence de recherche avec les astrophysicien.ne.s du Paris Center for Cosmological Physics. 


 

Entre anticipation et mémoire, le travail d’Adrien Tinchi tend à produire, à reproduire ou à témoigner des évènements singuliers. Son travail questionne et joue des différents contextes de monstration possibles d’une œuvre et nourrit une volonté de créer des « parenthèses » spatiales et temporelles, parfois discrètes ou invisibles, témoignant d’un récit, ou devenant un prétexte pour en raconter un.


 

Le jury du compagnonnage, composé d’Irene Aristizabal, directrice du Frac Poitou-Charentes, de Sandra Patron, directrice du Capc, de Kevin Rouillard, artiste, et de Marion Vasseur Raluy, commissaire associée aux résidences au Capc, a salué la qualité du dossier de candidature écrit d’Adrien Tinchi, ainsi que sa présentation orale.

 

Pour cette première édition du Compagnonnage, le Capc a reçu 68 candidatures, reflétant ainsi la qualité de la scène artistique bordelaise et son dynamisme.

 

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Texte de Clément Raveu

Mouche molle, chose floue, bruit pour rien.

Pour Adrien Tinchi.

 

 

L’art de conter est en train de se perdre. Il est de plus en plus rare de rencontrer des gens qui sachent raconter une histoire. [...] C’est comme si nous avions été privés d’une faculté qui nous semblait inaliénable, la plus assurée de toutes : la faculté d’échanger des expériences. L’une des raisons de ce phénomène saute aux yeux : le cours de l’expérience a chuté[1].


 

 

I

 

Il ressent une urgence douce. Le train file, sans hâte, glissant sur les rails qui relient Paris-Bordeaux. Rien d’un affolement, mais une tension légère, quelque chose qui presse sans contraindre. Ses pensées s’échappent plus vite que les paysages derrière la vitre, morcelés par le battement régulier des poteaux électriques qui jalonnent les voies. C’est peut-être l’impatience contenue du voyage qui le met dans cet état. À côté de lui, un homme lit depuis plusieurs heures. Il a plus de soixante-dix ans et n’a pas levé les yeux de son livre. Un ouvrage usé aux pages finement cornées. En penchant légèrement la tête, il aperçoit le titre en couleur sur la couverture : Pale Fire de Vladimir Nabokov. L’édition date de 1962 et a été imprimée par G.P. Putnam’s Sons à New York[2]. Une ambiguïté fondamentale traverse ce livre rendant incertaine la frontière entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, entre la voix qui raconte et celle qui manipule. Est-ce que le poème de John Shade précède réellement le commentaire envahissant du professeur Charles Kinbote[3] ? Un frisson familier l’envahit. Le véritable mystère du livre ne tient peut-être pas à son intrigue mais à ce qui échappe au narrateur, provoque des ellipses troublantes comme des faux-semblants tenaces. Il pense alors à celles et ceux qui, parmi les critiques et commentateur·ices de l’art, reconnaissent dans cette virtuosité du trompe-l’œil narratif, un écho discret, mais incarné, au travail de l’artiste Adrien Tinchi. Comme chez Nabokov, il y a dans ses œuvres quelque chose qui ouvre des failles et crée des zones de friction entre ce qui a été et ce qui pourrait advenir – où les nombreuses digressions ne perturbent pas la cohérence du corpus, mais catalysent au contraire un processus expérimental qui produit des formes aussi bien instables que profondément réflexives.

 

 

 

II

 

Adrien Tinchi sculpte en réalité une politique du flou, un art de l’indécidable qui résiste et ne se laisse jamais assigné. On croit suivre un fil narratif au fur et à mesure de ses productions – qui n’est ni mensonge, ni illusion – mais qui provoque autant de silences que de signes, de présences que de soupçons. Rien ne s’y donne comme stable ou assuré : ni l’origine du récit, ni son point de bascule, ni même le statut exact des formes qu’il mobilise. Ses œuvres opèrent dans un espace liminal – entre le déjà-là et le presque disparu, entre l’indice et l’apparition. On ne sait jamais très bien ce qu’on voit, ni ce que l’on est censé en faire. Est-ce un signe ou une trace ? Un reste ou une promesse ? Né en 1997 à Sedan, formé à l’École Supérieure d’Art et de Design de Reims, Adrien Tinchi porte une attention constante aux phénomènes qui déstabilisent notre perception du temps et des événements. Son travail navigue entre différentes temporalités : celle du musée, souvent figée, prescriptrice et supposément inaliénable ; celle du·de la spectateur·ice, mobile, fluctuant·e, sensible ; et celle, plus discrète, des récits qui s’échangent à la marge comme des trésors[4], portés par les voix peu audibles des régisseur·euses, des gardien·nes, des artistes, des curateur·ices qui rejouent les cartes de l’histoire de l’art et de ses secrets[5]. Depuis quelques années, il vit entre Paris et Reims, enseigne la sémiologie, et poursuit une œuvre où l’apparition d’un détail, la reconstitution d’un projet avorté ou la mémoire informelle d’un lieu deviennent autant de manières de tendre l’oreille vers ce qui pourrait être une histoire – ou un prétexte à en raconter une. 

 

 

 

III

 

Il a toujours aimé lire dans les trains. Il y a quelque chose dans cette combinaison d’immobilité et de vitesse qui donne à la lecture une fluidité particulière. Peut-être que les histoires lues à 270km/h semblent plus marquantes. Elles existent à rebours des lois qu’imposent l’inexorable continuum du temps, comme des images en fuite, plus éphémères encore qu’un battement de cils. Il pense alors à l’œuvre performative ><[6] d’Adrien Tinchi qui semble n’avoir d’autre but que d’arrêter ce qui par nature ne cesse de s’écouler. Un miroir sans tain est installé contre la vitre d’un train créant ainsi un jeu de réflexion avec le paysage extérieur. Le dispositif permet de capter un double mouvement : l’un tourne vers l’arrière, l’autre se projette vers l’avant. Le voyageur vit ainsi la simultanéité des deux extrêmes du temps, dans un espace qui n'est pas défini par un début ou une arrivée, mais par la succession d'espaces et de temporalités qui s'entrelacent. Toujours plongé dans son livre, l’homme à côté de lui expérimente sans doute aussi ces distorsions temporelles : il se déplace, ne s’attarde pas et traverse son texte, se laissant bercer par des points d'origine et de destination qui n’existent peut-être pas non plus. 

 

 

 

IV

 

Dans l’introduction des Lectures traversières, Louis Marin propose une manière de lire singulière, itinérante et vagabonde. Sans début ni fin. Pour le philosophe, traverser des textes, c’est « écrire des récits de voyage qui, incessamment [...] transforment des lieux en espaces (unde ?) ou des espaces en lieux (quo ?) »[7]. Il explique que ce phénomène est dû aux effets de la stase[8], en s’appuyant notamment sur Michel de Certeau : « Est lieu d'ordre (quel qu'il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des rapports de coexistence. S'y trouve donc exclue la possibilité, pour deux choses, d'être à la même place [...] La loi du " propre " y règne : les éléments sont considérés les uns à côté des autres, chacun situé en un endroit " propre " et distinct qu'il définit. Un lieu est donc une configuration instantanée de positions. Il implique une indication de stabilité[9]. » D’un point de vue formel, le titre de l’œuvre d’Adrien Tinchi, avec ces symboles mathématiques, fonctionne comme une clé de lecture minimaliste et abstraite. Placés côte à côte, ils s’annulent presque, désignent une réalité qui ne peut pas se figer et rejoignent, par extension, la logique du miroir sans tain utilisé dans l’installation. En réfléchissant simultanément ce qui a déjà été traversé et ce qui reste à parcourir lors d’un trajet en train, l’œuvre ouvre une brèche qui n’est autre que la possibilité d’existence d’un « lieu » pour reprendre le terme de Michel de Certeau. 

 

 

 

V

 

« Vous l’avez lu ce livre ? » Il ne répond pas. « Vous savez, Nabokov ne fait pas que raconter une histoire, il déconstruit le temps. Ce livre… il vous dérobe à vous-même, vous voyez ? » Il désigne le livre, glisse un doigt entre les pages et le referme délicatement pour le poser sur ses genoux. Il se décide finalement à lui demander l’objet de son séjour à Bordeaux. Un sourire énigmatique se dessine sur le visage du vieil homme. Ses rides, profondément marquées, semblent se tendre d’une émotion pudique :  « Je vais au musée d’art contemporain de Bordeaux. Vous pouvez voir cela comme un pèlerinage…. Vous savez, on a longtemps cru que j’avais disparu, que j’étais mort. C’est devenu une sorte de légende et pour être honnête avec vous, c’est moi qui ai méthodiquement planifié cette disparition pendant plus de dix ans. Aujourd’hui, je me rends compte que ce n’était pas vraiment une disparition…. Et, je crois qu’ils ont raison, celles et ceux qui disent que j’ai besoin de reprendre l’histoire là où je l’ai laissée…. » « Reprendre l’histoire… » répète-t-il, comme pour goûter la phrase. « Vous étiez artiste ? » Le vieil homme secoue lentement la tête. « Non, pas vraiment. Disons que j’étais un intermédiaire. J’ai travaillé dans les marges. Ce que vous appelez aujourd’hui la curation, peut-être. Mais à l’époque, cela n’avait pas de nom. Je recueillais, j’archivais, je protégeais ce qui risquait d’être effacé. » – Il marque une pause et murmure cette phrase à voix basse, presque pour lui-même – « C’est étrange de survivre à ses propres archives vous savez. »

 

 

 

VI

 

Dans Simulacres et Simulation[10], Jean Baudrillard écrit que : « Le simulacre n’est jamais ce qui cache la vérité — c’est la vérité qui cache qu’il n’y en a pas. Le simulacre est vrai.[11] » Ce renversement radical pose les bases de ce qu’il appelle l’ordre des simulacres : un régime dans lequel les signes ne renvoient plus à un réel originaire, mais circulent de manière autonome, référant à d’autres signes, à d’autres images, dans une boucle close. Dans cet univers, la frontière entre le vrai et le faux devient indiscernable, et la réalité elle-même se dissout dans ses représentations. Il reprend la conversation avec le vieil homme : « Vous savez, je vais au musée d’art contemporain moi aussi. Un artiste m’a parlé de l’une de ses œuvres et je suis là pour la voir. Elle n’est pas grande apparemment. Juste une empreinte sur une des vitres du bâtiment. » L’œuvre qu’il vient voir, intitulée Sans titre (Maintenir)[12] d’Adrien Tinchi n’a en effet rien de spectaculaire. D’ailleurs, celles et ceux qui scrutent les vitres du musée dans l’espoir d’y découvrir l’empreinte d’une main risquent fort d’être déçu·es : ils·elles n’y verront qu’une transparence parfaite, ou bien leur propre reflet projeté sur du verre nettoyé jusqu’à l’oubli. Mais cette absence, loin de trahir l’œuvre, en est pourtant le cœur battant. Car ce que les spectateur·ices viennent chercher ici, ce n’est pas une trace visible, mais la persistance d’un geste : un acte furtif, promis à l’effacement, mais relayé par la parole de l’artiste, son écho ou sa mémoire. Sans titre (Maintenir) ne prend donc corps que dans l’espace incertain du récit – là où l’œuvre devient rumeur, et où la main, qui ne s’est peut-être jamais posée sur le verre, se transforme en mythe latent, partagé de manière diffuse mais persistante. En faisant de l’absence sa matière, et de l’indice sa seule preuve, l’artiste fait basculer son œuvre hors du régime classique de la représentation. Elle entre dans celui du simulacre – non pas comme tromperie, mais comme intensité réelle d’un signe sans origine. Ce n’est qu’en acceptant ce consentement au doute, que l’on en saisit le véritable élan : une œuvre-fiction qui s’écrit dans le réel à bas bruit comme une dramaturgie discrète. 

 

 

 

VII

 

     « Bordeaux Saint-Jean, terminus du train ! » Le vieil homme le regarde, un sourire amusé anime son visage : « Il paraît que le musée a une si longue histoire que même les mouches sont devenues des reliques ! » Il marque une pause pour rassembler ses affaires, puis continue : « Je crois que j’en suis une moi aussi. Mais pas n’importe laquelle !  Une Musca Depicta[13]. » Il le regarde, sourit, mais ne répond pas à cette fantaisie. Deux mouches, des vraies, provenant d’ateliers d’artistes, sont pourtant là, tapies dans la lumière et encadrées par le contexte muséal du CAPC de Bordeaux. Elles restent figées, naturalisées, posées comme un point à la fin d’un paragraphe que personne n’aurait lu. Cette œuvre d’Adrien Tinchi  s’intitule « .[14] » — un titre réduit à son squelette typographique, comme une provocation lancée aux archivistes. À la fois signe de fin et indice d’un commencement, ce titre signale un arrêt — celui du regard, du sens — mais ouvre aussi un jeu sémiotique, comme si l’artiste nous disait : « Ici, regardez, il n’y (presque) rien à voir. » Car ce qui est exposé n’est pas la mouche en tant que telle, mais la perturbation qu’elle produit dans l’économie du visible. Elle vient parasiter l’illusion de maîtrise que prétend parfois incarner l’institution. Il reprend son anecdote : « Il se murmure d’ailleurs, qu’un jour, ces mouches finiront par s’envoler à nouveau. » Pour l’heure, elles posent une question fondamentale : et s’il ne restait de l’art qu’un point, une empreinte, un silence ? Les deux mouches d’Adrien Tinchi, méticuleusement cachées dans les recoins du musée, apparaissent ainsi dans leur dimension objectale, à la fois nature morte et objets condensés. Elles incarnent un paradoxe saisissant : celui d’une présence minuscule qui élargit l’horizon de notre regard et transforme l’institution en un lieu d’attention subtile, où le moindre détail, loin d’être anodin, vient perturber les conventions établies.



 

IX

 

Le vieil homme l’invite à s'asseoir sur un banc avec lui. Il a besoin de reprendre son souffle. L’objet, épuré, rectangulaire et de couleur gris pâle, ressemble à une œuvre minimaliste[15].  Au fond, il sait très bien qu’il ne peut pas reprendre le fil de l’histoire sans lui : « Il y a des œuvres, tu sais, qui n’essaient pas de durer, mais qui dans leur effacement, nous parlent mieux de la mémoire que n’importe quel monument je crois ». Il ne dit rien, mais l’écoute attentivement. Il se tient sur le bord du banc, comme s’il ne souhaitait pas s’éterniser, les jambes croisées, ses coudes s'appuient sur ses genoux. Il poursuit : « l’artiste dont tu m’as parlé dans le train, Adrien Tinchi, ne produit pas de l’archive figée. Son corpus à lui : il fuit, s’use, résiste mais ne peut pas se conserver. » Il se redresse, regarde les œuvres installées dans la nef du musée, puis lui répond : « À bien y réfléchir, je crois qu’il écrit ses partitions comme on écrit des scénarios. Son travail c’est de la cryptographie douce. Rien de technologique. Tout est fragile, précaire, artisanal. Il manipule des miettes de souvenirs comme pour imaginer la suite impossible du film Peppermint Candy[16]. Au fond, est-ce que tu crois qu’on peut vraiment survivre à ses propres archives ? ». Un silence marqué. Puis, le vieil homme répond : « seulement si on accepte de disparaître dedans. De devenir l’un des signes. Ni auteur, ni gardien. » 

 

 

X

 

Il se lève lentement comme pour marquer la fin de leur discussion et soupire, les épaules affaissées par les années, puis fait mine de s’en aller. « Attendez ! J’ai quelque chose pour vous, c’est important ! ». Il fouille péniblement dans la poche intérieure de sa veste et en sort un petit paquet fragile contenant deux graines. « C’est une œuvre d’Adrien Tinchi. Elle s’appelle La forme d’un début[17]… donnez-moi votre main. » Il ouvre délicatement le paquet et dépose les deux graines dans sa paume. Une claire, une sombre, plus petite encore que des grains de riz. « L’une peut faire pousser une plante qui vivra deux mille cinq cents ans. L’autre, un cactus dont les fleurs ne s'épanouissent qu’une seule nuit mais faneront dès l’aube. Vous ne saurez jamais laquelle est laquelle. Ce n’est pas une énigme, juste un engagement. » « Vous plaisantez j’espère ? Et si je ne choisis pas la bonne ? » « Il n’y a pas de bon choix. Vous ne saurez jamais ce qui aurait pu être autrement et c’est précisément ce qui fait œuvre. Ce que vous tenez dans vos mains, ce n’est pas le début d’une promesse ou un piège à souvenirs, c’est un seuil. » Il esquisse un sourire fatigué mais son regard reste vif. Il se retourne, s’éloigne et referme doucement sa main. « Au fond… vous, moi, Adrien Tinchi et les autres, nous ne sommes que des passeurs. Peut-être que rien ne poussera. Peut-être que vous oublierez ces graines dans un tiroir, ou que vous les perdrez avant même de les planter. Et pourtant, l’œuvre aura quand même eu lieu. »

 

 

 

Clément Raveu.

 

 


 

[1] Walter Benjamin, « Le conteur – Réflexions sur l’œuvre de Nicolas Leskov », traduit de l’allemand par Maurice de Gandillac revu par Pierre Rusch, dans Œuvres III, Paris, Gallimard, coll. Folio Essais, 2000 [1936], p. 114-151.

[2] Vladimir Nabokov, Pale fire, New York, G.P. Putnam’s Sons, 1962.

[3] Le commentaire du professeur Kinbote, censé être une analyse du poème, finit par se transformer en un récit parallèle, autonome et souvent contradictoire, ce qui soulève la question de la validité de son interprétation. L’histoire du poème devient alors incertaine : serait-elle une réalité ou le reflet déformé d’un narrateur à la perception trouble, parfois hallucinatoire ? Voir Alison Boulanger, « Un art de contrebande : Travestissement et interprétation du sens dans Blanche ou l’oubli d’Aragon et Feu pâle de Nabokov », dans Roman 20-50, n° 42, 2006, pp 127-137.

[4] En 2024, Adrien Tinchi poursuit son compagnonnage au Capc avec une performance conçue avec Thomas Schmahl. Ensemble, ils créent des « provisions » : des gestes ouverts, nourris par l’écoute, les saisons et la mémoire des lieux traversés. L’année précédente l’artiste est résident-chercheur au PCCP (Paris Center for Cosmological Physics), centre de recherche fondé à l’initiative de l’astrophysicien George F. Smoot au sein de l’Université Paris Cité. Il vise à encourager la recherche fondamentale en cosmologie, astrophysique et physique des particules, tout en favorisant les échanges entre disciplines et les liens entre science, art et société. Voir Adrien Tinchi et Matteo Barsuglia, Une paille avec une doublure, Reims, the←Left←place·the→Right→space, 2023. 

[5] C’est dans ce contexte que l’artiste découvre qu’en 2023, la galerie David Zwirner expose deux œuvres de Felix Gonzalez-Torres restées jusqu’alors inédites : Untitled (1994–1995) et Untitled (Sagitario) (1994–1995). Conçues pour le CAPC de Bordeaux en 1995, elles n’avaient jamais pu être achevées, l’artiste étant mort du VIH/Sida avant de pouvoir les réaliser. Produites à titre posthume, ces pièces minimales interrogent la duplicité – du corps, de l’image, de la mémoire – tout en soulevant une question vertigineuse : que signifie achever une œuvre sans son auteur ? 

[6] Adrien Tinchi, ><, 2023, installation performative, miroir sans tain, archive vidéo, courtesy de l’artiste.

[7] Louis Marin, Lectures traversières, Paris, Albin Michel, 1992, p. 13.

[8] La stase selon Michel de Certeau renvoie à un état d’immobilité qui conditionne l’existence du lieu : un agencement instantané, stable, où chaque chose occupe une position propre. Elle s’oppose à l’espace, pensé comme ce qui naît du déplacement et du temps. Voir Michel de Certeau, L'invention du quotidien, tome 1, Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990, pp. 172-173.

[9] Ibid. 

[10] Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, Paris, Galilée, 1981.

[11] Op. cit., p.9.

[12] Adrien Tinchi, Sans titre (Maintenir), 2024, empreintes digitales, sébum, verre, dimensions variables, courtesy de l’artiste.

[13] Le trompe-l’œil en peinture, dont la musca depicta est un cas classique, est un jeu sémiotique fondamental. La mouche mime la réalité pour piéger la perception. Le spectateur est confronté à une image qui dissimule son statut de représentation. Voir Daniel Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1996, p. 118-119.

[14] Adrien Tinchi, ., 2020, mouches, colle, résine, courtesy de l’artiste.

[15] Voir l’œuvre d’Adrien Tinchi, Giving a form to absence or a shape to someone else, empreintes de mains et de fesses sculptées sur deux bancs du CAPC et placés dans l’exposition «  Itinéraires fantômes », commissariat Ana Iwataki et Marion Vasseur Raluy, CAPC - Musée d’art contemporain de Bordeaux, du 21.06.24 au  19.01.25, courtesy de l’artiste. 

[16]  Réalisé par Lee Chang-dong, le film Peppermint Candy (2000) retrace la vie d’un homme à rebours de son existence, explorant ses blessures passées comme ses traumatismes.  La narration non linéaire illustre l’impossibilité du personnage à pouvoir revenir pleinement sur son passé ou à « reprendre le fil » de son histoire personnelle de façon intacte. 

[17]  Adrien Tinchi, La forme d’une début, œuvre de poche, sachet en plastique, deux graines, dimensions et durées variables, 2020, courtesy de l’artiste. 

 

 

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