Le Capc a inauguré cette année de célébration des 50 ans de l’institution avec une installation monumentale de Kapwani Kiwanga dans la Nef.
Après sa participation remarquée à la dernière Biennale de Venise et ses récentes expositions personnelles au New Museum de New York, à la Haus der Kunst de Munich et au MOCA de Toronto et avant le Pavillon canadien pour la Biennale de Venise, Kapwani Kiwanga investit la grande Nef du musée pour un projet inédit pensé en relation avec l’histoire du lieu, qui était au XIXe siècle un Entrepôt de denrées coloniales pour devenir dès 1973 un des lieux de création contemporaine les plus emblématiques en France et à l’étranger.
Cette invitation relevait pour le Capc de l’évidence, tant la pratique de Kapwani Kiwanga s’ancre à la fois dans la création d’ouvertures temporelles et spatiales pour modifier les manières de voir et d’interpréter l’histoire, mais également dans un intérêt marqué pour les formes minimales, si présentes dans l’histoire de l’institution. Kapwani Kiwanga inscrit ainsi sa démarche dans la mise en lumière d’une pluralité d’histoires peu connues, voire invisibilisées, et traite des systèmes de pouvoir à l’échelle locale, ainsi que des asymétries intrinsèques à leur organisation.
Considérée comme une des artistes les plus importantes de sa génération, son parcours atypique l’a mené d’études en anthropologie et en religion comparée au cinéma documentaire, pour finalement se tourner vers le champ de l’art contemporain il y a une dizaine d’années. Sa formation initiale l’amène à développer une pratique fondée sur la recherche, à travers laquelle elle observe les structures culturelles du savoir et du pouvoir. Formellement, son travail s’approprie des matériaux très divers (sisal, textile, lumière, fleurs) qui renvoient symboliquement à leurs contextes historiques, sociaux et politiques, pour créer des installations in situ, immersives et sensuelles.
Le point de départ de son projet pour la Nef est multiple : l’artiste s’est d’abord intéressée à l’architecture du bâtiment ainsi qu’à l’histoire des grands gestes qui ont été produits par les artistes depuis la création du Capc. Le rapport à la monumentalité que la Nef semble appeler de ses vœux permet à l’artiste de jouer avec ces prérequis, et de renverser l’autorité du geste en substituant les propriétés qui lui sont généralement accordées (pérennité de la pierre, lourdeur des matériaux) pour proposer une installation d’une monumentalité toute en légèreté et en fluidité.
La présence de l’eau ainsi que de certains matériaux entreposés dans l’Entrepôt Lainé au XIXème siècle s’est alors rapidement imposée comme un moteur du projet. Le fleuve qui traverse la ville de part en part, avec ses flux et ses reflux, témoigne des scories de l’histoire de la ville, dont la richesse a été en partie corrélée aux ressources économiques coloniales. Kapwani Kiwanga aime à jouer avec les éléments naturels, matériaux éphémères et fluides, néanmoins chargés de sens dans leurs connotations économiques, sociales et politiques.
En utilisant ces matériaux tangibles et intangibles, qui intéressent l’artiste tout autant pour leurs propriétés esthétiques que pour ce qu’ils symbolisent, Kapwani Kiwanga nous embarque dans une lecture du monde tout à la fois lucide et onirique, afin d’aiguiser notre regard sur certains enjeux passés et actuels et tenter d’envisager le futur autrement.
Commissaire : Sandra Patron,
directrice du Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux
Vernissage : Jeudi 29 juin, 19h
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