Michael Krebber, Les escargots ridiculisés
15.11.12 - 10.02.13
Michael Krebber, Les escargots ridiculisés
15.11.12 - 10.02.13
Michael Krebber, Les escargots ridiculisés
15.11.12 - 10.02.13
Dessin d'escargot au trait rouge sur herbe verte
Michael Krebber, "MK. 166", 2011. Collection Tyler Dobson

Michael Krebber est aujourd’hui considéré comme l’une des personnalités les plus emblématiques de la scène artistique contemporaine internationale. Acteur incontournable de la scène de Cologne depuis les années 1980 et 1990, Michael Krebber a une approche conceptuelle de la peinture qu'il explore par delà toutes les conventions picturales. Sa pratique est empreinte d'ambivalence, de subversion, d'intransigeance et d'une gestuelle feinte. Krebber est un peintre dandy.

Du
15.11.12
au
10.02.13

Commissaire : Alexis Vaillant

Qui sont ces Escargots ?
Vous en verrez un sur la couverture du catalogue raisonné et d’autres à l’intérieur du livre. J’ai réalisé des peintures avec un escargot similaire sur chacune d’entre elles.

Qui se moque d'eux ?
Les escargots ridiculisés est le titre de l’exposition. Je l'ai emprunté au groupe de performance Da Group. Dans mon interprétation du titre, les escargots – c’est-à-dire toutes mes œuvres exposées ici et illustrées dans le catalogue – sont en fait déjà ridiculisés. Personne ne se moque d’eux.

 Quelle est la nature de l’exposition au CAPC ?
Alexis Vaillant, le curator de l’exposition, parle d’une vue d'ensemble de mon travail. C’est une sorte de rétrospective, mais je préfère le terme vue d'ensemble. Aucune œuvre n'a été créée pour l’exposition, donc c’est vraiment une vue d'ensemble.

Comment la sélection a-t-elle été faite ?
Alexis s’est penché sur mes archives et a avancé des propositions pour la sélection, que j’ai acceptées dans la plupart des cas. La sélection est aussi ce qui a donné sa forme au catalogue.

Combien y-a-t-il d’œuvres dans l’exposition ?
Cent cinquante-deux

Comment les peintures sont-elles juxtaposées ?
Les indices de l’installation (et donc de la juxtaposition) sont divers parce que je ne pense pas qu'il était possible d’en trouver un seul qui fonctionne pour la totalité de cette gigantesque et non-homogène exposition. L'exposition s'est construite à partir de différents points et angles de vue. Cette construction n’est pas très stable mais elle plutôt bien balancée au final. 

Y a-t-il une chronologie dans l’exposition ?
Il y a une sorte de chronologie dans le catalogue, mais qui ne va pas vraiment jusqu’au bout. 

Vous avez dit une fois à propos d'une votre travail « Je suis à louer » ; que vouliez-vous dire par là ?
« Je suis à louer » est le titre d’une de mes œuvres, un titre que j’ai aussi emprunté. Je l’ai trouvé au dos d’un prospectus Jack Smith, à côté de la phrase « acteur huileux qui joue dans n’importe quoi ». 

Enseignez-vous ?
Oui, j’enseigne la pratique de la peinture à la Städelschule de Francfort depuis 2002.

Vous utilisez / explorez la « peinture » comme un filtre. Confirmez-vous cela ? Cette question pose-t-elle celle d’un programme possible dans la « peinture » ainsi que celle de son application ?
Dans ce cas, la peinture, comme toute autre activité, fonctionne comme une application qui change constamment et de manière régulière, à partir d’une personne qui communique avec elle-même et allant vers 2 personnes ou plus. Comme dans la société, les programmes agissent ici en toute liberté, chacun pouvant être dans un programme différent, de manière active ou passive ; c’est pour cela que j’ai intitulé cette exposition Les escargots ridiculisés.

La « peinture » est-elle encore perçue comme une activité controversée ?
Jack Smith disait qu’acheter ou posséder de l’art était mal, que ça allait à l’encontre de l’idée de l’art. Toute la contradiction est là.Mais la peinture correspond aussi à une image de l'ennemi. Elle peut donc facilement être vue comme une activité controversée ce qui est devenu notoire pour les « connaisseurs » et il me semble que j'ai un peu bénéficié de ça. Et le jeu reste ouvert. Lisez s'il vous plaît mon texte « Puberté en Peinture ». 

Vous faut-il « défendre » artistiquement l’utilisation de la peinture comme médium ?
Il me semble que tout est dit dans le texte « Puberté en Peinture » ;  je ne veux ni défendre ni préserver la peinture. Plutôt que de « défendre », je préfère l’idée d’identification avec l'agresseur. 

Vous voyez la peinture comme une idée ? Un concept ? Une catégorie ?
Il y a la production de la peinture contre l’institution de la peinture. 

Quel type d’information contient votre peinture ?
Cela dépend de celui ou celle qui la regarde. Associée à tout ce que j'y mets de personnel. Si quelqu'un veut jouer, ça peut aussi devenir un jeu.

Visiblement, anecdotes, références, réseaux sociaux ont intégré votre travail. Est-ce que cela appartient à la « peinture » ?
J’ai entendu quelqu’un parler de « peinture élargie ». Dans son texte, « Painting beside itself », David Joselit cite Martin Kippenberger qui dit, dans un entretien sur la peinture, que non seulement la peinture est importante, mais aussi tout ce qui l’entoure, les personnes à qui le peintre a parlé, tout son réseau, autant que les nouilles qu’il a mangées.

Diriez-vous que vous opérez avec un concept de « peinture » qui fonctionne de manière active ? Une manière « active » qui peut être exploitée comme un moyen pour critiquer / discuter des stratégies à la fois conceptuelles et institutionnelles à travers l’acte de peindre ?
Je crois que beaucoup de choses sont possibles ici. Mais on bouge tous sans cesse, dans un espace lui-même en mouvement, et il faudrait qu'on essaye de regarder les deux se mouvoir ensemble.

Le doute, comme qualificatif potentiel pour la peinture, rencontre-t-il de manière récurrente votre travail ?
Oui, j’ai beaucoup entendu cela, et ça m’a beaucoup touché quand je l’ai entendu pour la première fois. Mais transformer le doute en profession et devenir un douteur professionnel serait vraiment ridicule. Il faudrait peut-être que j'ose franchir ce pas, mais je ne crois pas être capable de cela.

Votre peinture fait-elle douter ? Par exemple, avec l’autoréflexivité, la flexibilité, l’hésitation qui sont des manières de produire de la critique au-delà de stratégies identifiables.
Ces termes sont beaucoup utilisés aujourd'hui, mais là encore, ça serait amusant de regarder les gens se transformer en douteurs ou hésitants professionnels, …
Une fois, j’ai recopié une phrase dans un magazine. C'était une citation de Birgit Pelzer qui disait que Marcel Broodthaers assumait la possibilité qu'une contrefaçon puisse être contrefaite. J’aime beaucoup cette phrase parce qu’elle place l’enjeu à un autre niveau.

 En regard de ces vingt-cinq années de production, diriez-vous en « résumé » que votre œuvre constitue une succession de digressions, d’actions évasives avec un manque de focus et de stabilité ? Ou est-ce une stratégie ?
J’aime tous ces termes et voudrais que tous puissent être pris en compte.

Votre peinture est prise dans un système d'imbrications de références externes qui ne sont pas toujours visibles. Comment peut-on les « voir » alors ? Vers quoi tendent-elles ? Et que montrent-elles au-delà de la peinture elle-même ?
Assumant le fait qu'une contrefaçon puisse être contrefaite, j’essaierais de ne pas comprendre une référence qui n’est pas immédiatement visible. Mais bien entendu, chacun essaie de temps en temps de compliquer les blagues un peu plus. Parfois ça marche, parfois non. Dans ce cas, il faut essayer de se rattraper de manière élégante, et ainsi de suite. C’est amusant.

Comment vos œuvres dépassent-elles / sont à des années lumière de la citation de Stella « ce que vous voyez est ce que vous voyez » ?
J’essaie d’avoir différentes notions à offrir, afin de choisir, par exemple, le jeu dans lequel je joue.

Votre peinture serait donc un jeu ?
On pourrait l’utiliser comme un jeu, ou pour n'importe quel but, ou sans aucun but du tout, si cela existe.

Et les planches de surf ?
Je les aime de tous points de vue, donc j’essaie de les envisager en termes de peinture. Je ne peux rien dire sur elles, ce sont des sculptures ou des objets. J’apprécie le fait que l’on puisse détruire une chose qui reste si belle, l’idée de la planche de surf est pou rmoi aussi belle que l’idée de surfer. J’ai utilisé des planches à voile parce qu’elles étaient plus faciles à obtenir. En installant des morceaux coupés de planche de surf sur un mur, je voulais citer une sculpture murale de Donald Judd,  mais un ami m’a dit que ça ne parlait pas de Judd, mais plutôt d’Ashley Bickerton.

Est-ce que la manière dont vous utilisez la peinture témoigne des possibilités qui existent pour s'engager dans une activité picturale ?
Dans cette exposition, on peut voir la manière dont j'appréhende la peinture, et le catalogue montre que je n’ai pas refusé de m’engager dans cette exposition.On n’est pas obligé de regarder cela, mais on peut regarder de plus près n’importe quelle personne qui joue dans n’importe quoi et ça offre une série de possibilités. C’est une question de bon sens, mais là, je voudrais répondre à votre question par un oui.

Etes-vous d’accord avec l’idée selon laquelle l'exposition Les escargots ridiculisés contribue à présenter l’aura qui habite votre corpus ?
Oui, il le faut.

Cette vue d'ensemble est-elle une sorte de recontextualisation de vos œuvres ?
Oui, je l’espère.

Certains se demandent : « Mais qui est ce nouvel artiste ? » Quand êtes-vous né ?
J’ai 58 ans et je suis né en 1954.

Où vivez-vous ?
Je vis à Cologne et à Francfort aussi.

 

 

CONTEXTE

Michael Krebber est considéré comme l’une des personnalités les plus emblématiques de la scène artistique contemporaine internationale.

Acteur incontournable de la scène de Cologne depuis les années 1980 et 1990, Michael Krebber a une approche conceptuelle de la peinture qu'il explore par delà toutes les conventions picturales. Sa pratique est empreinte d'ambivalence, de subversion, d'intransigeance et d'une gestuelle feinte. Krebber est un peintre dandy.

S'il apparaît comme une personnalité discrète, à la fois perplexe et ambivalente sur la nature même de sa pratique, il n’en reste pas moins un passeur influent de premier plan dans le monde de l'art, sur les plans théorique et économique. Le dialogue qu’il entretient avec ses élèves à la Staatliche Hochschule de Francfort fait de lui un « personnage littéraire », acteur de sa propre démarche, qui fascine la génération émergente.

Avec plus de 150 œuvres exposées dans la nef du CAPC, c'est la première fois que le travail de Michael Krebber, fait l’objet d’une rencontre avec le grand public. 

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